Le Têt, ou Nouvel An lunaire, est bien plus qu’une simple célébration au Vietnam : c’est une période empreinte de renouveau et de spiritualité, profondément ancrée dans la culture du pays. Si cette fête marque un moment de rassemblement familial et de respect des traditions pour tous les Vietnamiens, elle dévoile également une facette unique à travers le Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes. À travers des rituels singuliers et des pratiques ancestrales, chaque communauté exprime avec délicatesse sa vision du Têt, révélant une mosaïque de traditions riches et authentiques. Ces coutumes, précieusement transmises de génération en génération, reflètent un lien profond avec la nature, une vénération des ancêtres et une spiritualité enracinée dans des croyances séculaires.
Ce blog vous invite à un voyage au cœur de ces traditions fascinantes. Découvrez comment le Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes, avec ses nuances culturelles uniques, préserve un patrimoine vibrant, véritable miroir de l’âme du Vietnam. Une immersion dans un monde de spiritualité et d’humanité, où chaque détail révèle la richesse et la profondeur de l’identité du pays.
1. Col du papier rouge chez les Nung
Lors du Têt, les villages des Nung se parent de rouge éclatant, une couleur imprégnée de significations profondes. Le papier rouge, symbole de joie et de prospérité, incarne également l’énergie yang, associée à la lumière et à la vitalité du soleil. Cette tradition n’est pas qu’esthétique : elle est un acte de gratitude envers les outils de production, considérés comme des compagnons essentiels dans la vie agricole. Des objets tels que la charrue, la houe ou la pelle, soigneusement nettoyés et décorés de papier rouge, reçoivent ainsi une reconnaissance symbolique pour leur contribution aux récoltes. Cette pratique unique marque une pause dans leur utilisation, leur offrant un « repos » pendant les festivités, tout comme les agriculteurs.
Le dernier jour de l’année lunaire, les Nung se lèvent dès l’aube pour orner leurs maisons et outils de motifs découpés dans du papier rouge. Ces motifs représentent souvent des fleurs, des oiseaux en vol ou des poissons nageant, autant de symboles de prospérité et de chance. Collés sur les autels, les portes et les outils, ces décorations ne se limitent pas à leur fonction symbolique : elles reflètent également l’habileté artisanale et le sens esthétique des propriétaires. À travers ce geste, les familles expriment leur souhait que la nouvelle année soit placée sous le signe du succès, du bonheur et des récoltes abondantes.
Ainsi, cette coutume des Nung s’inscrit dans une philosophie plus vaste, où chaque geste, chaque symbole, sert à harmoniser les énergies de la maison et de la nature, assurant un équilibre propice à une année prospère.
2. Têt de la danse chez les Dao
Pour les Dao, le Têt est bien plus qu’une simple fête du Nouvel An. C’est une période où le printemps, symbole de renouveau, invite les habitants à célébrer la vie, à renouer avec leurs proches et à se souhaiter mutuellement prospérité et bonheur. Au cœur de ces festivités se trouve le Tết Nhảy, une danse traditionnelle riche de sens, qui reflète les aspirations de la communauté pour l’année à venir.
Le Têt Nhay est une véritable démonstration d’endurance et de passion. Les danseurs, habillés de costumes traditionnels colorés, évoluent avec grâce et vigueur au rythme des tambours et des cloches. Ils dansent sans relâche, de jour comme de nuit, entrecoupant leurs prestations de brèves pauses pour reprendre des forces avant de poursuivre les festivités avec un enthousiasme renouvelé. Cette performance exigeante ne se limite pas à l’art : elle prépare également physiquement les participants aux défis agricoles de l’année, symbolisant ainsi l’harmonie entre préparation spirituelle et efforts physiques.
Chaque geste des danseurs, chaque résonance de tambour ou tintement de cloche, exprime une gratitude profonde envers la nature et les ancêtres. Les danses, exécutées en grand nombre, traduisent les prières des Dao pour des récoltes abondantes, des terres fertiles et des troupeaux prospères. Le rythme vibrant des instruments, véritable cœur des célébrations, guide les mouvements harmonieux des danseurs, illustrant le lien indéfectible entre l’homme et la nature.
Le Têt Nhay est une célébration qui renforce les liens communautaires, maintient vivantes les traditions ancestrales et transmet aux générations futures les valeurs de gratitude, d’endurance et d’harmonie. Cette danse symbolise pour les Dao une manière d’accueillir l’année nouvelle avec espoir et énergie, tout en honorant le passé et la richesse de leur culture.
3. Appel des âmes chez les Thaïs
Bien que le Têt soit célébré dans de nombreuses cultures, chez les Thaïs, il se distingue par une saison festive prolongée, s’étendant du 25e jour du dernier mois lunaire au 10e jour du premier mois de l’année. Durant cette période, les traditions riches de sens occupent une place centrale, notamment le rituel d’appel des âmes, profondément ancré dans leur spiritualité. Les soirées des 29 et 30 derniers jours de l’année lunaire sont marquées par un rituel unique où chaque famille prépare deux poulets : l’un est offert aux ancêtres en guise de respect et de gratitude, tandis que l’autre est consacré au rituel d’appel des âmes des membres du foyer. Le chaman, figure clé de cette pratique, attache ensemble des vêtements appartenant à chaque membre de la famille, qu’il porte sur son épaule. Avec une torche allumée, il se rend à l’entrée du village pour invoquer les âmes à plusieurs reprises, avant de revenir au pied de l’escalier de la maison pour un dernier appel.
Une fois le rituel achevé, le chaman noue un fil noir au poignet de chaque membre de la famille pour les protéger des mauvais esprits. Ce fil, qui doit se rompre naturellement, symbolise une barrière contre les énergies négatives. Si le fil venait à se rompre prématurément, cela serait interprété comme un signe de fragilité ou de maladie. La nuit du 30e jour, les familles effectuent également des offrandes composées de viandes, gâteaux, textiles artisanaux et objets en argent, et celles qui possèdent des gongs ou des cloches les font résonner devant leur maison pour saluer l’arrivée de la nouvelle année. La coutume du “Pông Chay”, pratiquée la nuit de la Saint-Sylvestre, renforce davantage les liens familiaux et communautaires. Réunis autour du feu, les membres de la famille passent la nuit éveillés, partageant des plats préparés ensemble ou simplement conversant pour marquer l’importance de cette transition sacrée. Les lampes restent allumées, et l’encens, symbole de continuité et de protection, brûle sans interruption. À intervalles réguliers, le chef de famille frappe trois fois sur un gong pour annoncer l’approche de minuit.
À l’heure du passage à la nouvelle année, des mets traditionnels tels que des gâteaux, du riz gluant, du poisson séché, du thé vert, des plateaux de chique de bétel et des vêtements en étoffes artisanales sont soigneusement disposés sur l’autel familial. Dans une posture empreinte de respect et de dignité, le chef de famille récite une prière pour inviter les ancêtres à se joindre à ce moment de rassemblement et de renouveau.
Le matin du premier jour de l’année, les familles se rendent à la rivière pour collecter de l’eau fraîche, symbole de pureté et de chance pour l’année à venir. L’après-midi, tous les membres de la famille, des plus jeunes aux plus âgés, se lavent les cheveux pour se purifier, abandonnant symboliquement les tracas et les malheurs de l’année écoulée, et accueillant avec espoir les bénédictions de la nouvelle année.
Ce rituel d’appel des âmes, ainsi que les traditions qui l’accompagnent, reflètent la connexion intime des Thaïs avec leurs ancêtres, leur communauté et la nature. Ces pratiques, empreintes de spiritualité et de gratitude, permettent de préserver et de transmettre des valeurs essentielles d’harmonie, de respect et de renouveau, ouvrant la voie à une année placée sous les meilleurs auspices.
4. Culte du bol d’eau et Fête du saut au feu des Pà Then
Une tradition unique des Pà Thẻn réside dans le culte du bol d’eau claire, un élément central de leur autel familial. Ce bol, toujours rempli et couvert, est dédié au culte tout au long de l’année. Si son niveau d’eau diminue, le chef de famille attend le mois de juin pour l’ouvrir et le remplir à nouveau, en respectant un rituel précis. Lors de la nuit du réveillon, toutes les portes de la maison sont fermées hermétiquement et les ouvertures soigneusement obturées. L’eau du bol est ensuite utilisée par le chef de famille pour purifier l’autel avant d’être remplacée par une nouvelle quantité, symbolisant un renouveau pour l’année à venir. Ces gestes sont effectués dans le plus grand secret : s’ils venaient à être observés par des tiers, cela serait perçu comme un mauvais présage, porteur de malchance pour la famille dans l’année à venir.
En parallèle de cette pratique, les Pà Thẻn célèbrent la spectaculaire fête du saut au feu, organisée à la fin de l’année, lorsque l’hiver atteint son apogée. Sur une grande cour, un cercle se forme autour d’un immense feu flamboyant au centre. Les tambours rythmés, frappés par le maître chamane, résonnent de plus en plus vite, intensifiant l’atmosphère rituelle.
Au cœur du Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes, la cérémonie du feu des Pà Thẻn incarne une tradition d’une rare intensité spirituelle. Les jeunes hommes, guidés par le chamane, prennent place sur un long banc. En quelques instants, leurs corps entrent en transe, tremblent et bondissent avec une énergie saisissante, les deux pieds quittant le sol en synchronie. Pendant ce rituel impressionnant, un autre participant parcourt la cour, ramasse des braises incandescentes qu’il porte à sa bouche, avant de plonger dans les flammes, devenant l’incarnation vivante du lien sacré entre l’homme et l’élément.
Les participants, soigneusement choisis parmi les membres les plus respectés de la communauté, semblent invulnérables au feu, malgré leur contact direct avec les braises. Ce rite spectaculaire, emblématique du Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes, réunit les villageois dans un élan de foi et de communion. Il reflète non seulement la force spirituelle et la résilience des Pà Thẻn, mais également leur capacité à célébrer une harmonie profonde entre l’homme, la nature et le sacré.
5. « Vol de la voix du coq » chez les Pu Peo
Le « vol de la voix du coq » est une tradition unique et fascinante des Pu Péo, une ethnie vivant dans la province montagneuse de Hà Giang. Lors du Nouvel An, les villageois guettent attentivement les premiers signes du chant des coqs. Dès qu’un coq bat des ailes pour annoncer l’aube, un pétard est allumé et jeté dans le poulailler. Surpris, les coqs s’agitent et lancent leurs cocoricos en chœur. C’est alors que les villageois, dans un élan collectif, chantent à pleins poumons pour couvrir leurs voix.
Le chant du coq revêt une signification profondément symbolique pour les Pu Péo, représentant un appel sacré à éveiller le soleil. Lors des célébrations du Nouvel An, surpasser la voix des coqs par son propre chant est perçu comme un signe de bénédiction, révélant un talent vocal hors du commun et promettant une année empreinte de bonheur et de prospérité. Cette tradition, où se mêlent jeu et spiritualité, illustre avec finesse l’harmonie entre foi et joie qui caractérise le Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes chez les Pu Péo.
6. Appel des buffles pour fêter le Têt chez les Muong
Parmi les nombreux groupes ethniques du Vietnam, les Mương célèbrent le Têt Nguyên Đán avec des traditions uniques qui reflètent leur identité culturelle.
Quelques jours avant le Têt, les Mương de Hoa Binh confectionnent des cloches en bois pour un rituel singulier : appeler l’âme des buffles lors du réveillon. À la lumière des torches, ils exécutent ce geste symbolique pour exprimer leur gratitude envers ces animaux loyaux, qui ont soutenu les familles dans les travaux agricoles durant l’année écoulée.
Ils suspendent également des gâteaux en forme de tubes sur des outils agricoles tels que charrues, herses et bâtons de portage, en guise d’invitation à leurs « compagnons de travail » pour participer aux festivités et partager les bénédictions du Têt. Selon leur croyance, même les buffles et les outils méritent un repos bien mérité après une année de dur labeur dans les champs.
7. Divination du foie de porc chez les Hà Nhì
Les Ha Nhi, une ethnie minoritaire vivant principalement dans les provinces du Nord-Est du Vietnam telles que Ha Giang, Cao Bang, Lao Cai et Son La, honorent leurs ancêtres lors du Tết en sacrifiant un porc, une tradition incontournable quelle que soit leur condition économique. Que la famille soit aisée ou modeste, la préparation du porc pour les offrandes est un acte commun qui symbolise l’unité et le respect envers les ancêtres.
Dans le cadre du Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes, les porcs sacrifiés occupent une place centrale dans les traditions des Ha Nhi. Ces porcs, généralement des mâles castrés élevés spécialement pour l’occasion, varient en taille selon les moyens des familles : les plus prospères optent pour des animaux de 60 à 150 kg, tandis que les familles modestes se contentent de porcs de 40 à 50 kg. Après l’abattage, le foie du porc joue un rôle essentiel dans la divination. Les Ha Nhi examinent minutieusement cet organe pour prédire la fortune de l’année à venir. Un foie sain, aux couleurs vives et bien rempli de graisse, est perçu comme un signe de prospérité agricole, de récoltes abondantes et d’harmonie familiale, illustrant l’importance des rites du Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes.
En plus de la divination, les Ha Nhi préparent des gâteaux traditionnels spécifiques pour les offrandes ancestrales. Ces gâteaux symbolisent la gratitude et le respect envers les ancêtres, renforçant ainsi les liens familiaux et spirituels indispensables pour accueillir la nouvelle année avec sérénité et espoir.
8. Vol de la chance chez les Lô Lô
Les Lô Lô, une ethnie minoritaire principalement installée dans la province de Ha Giang au Vietnam, ajoutent une dimension fascinante au Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes avec une coutume singulière. Ils croient fermement que ramener quelque chose à la maison à l’approche du Nouvel An attirera chance et prospérité pour l’année à venir. Pour matérialiser cette croyance, ils ont développé une pratique unique consistant à « voler » une part de chance, tout en veillant à ne pas prendre des objets de grande valeur.
Dans le district de Đong Van, les Lô Lô ont l’habitude de subtiliser douze objets, symbolisant les douze mois de l’année. À Meo Vac, une autre région habitée par les Lô Lô, le chiffre porte-bonheur est le trois, ce qui les amène à voler trois gousses d’ail ou trois feuilles de légumes. Il est intéressant de noter que ces actes de vol se déroulent silencieusement pendant la nuit de la Saint-Sylvestre, afin d’éviter d’être repérés par les propriétaires. Cette pratique reflète la profonde croyance des Lô Lô en la chance et en la prospérité pour l’année à venir, tout en respectant des limites strictes et en préservant l’harmonie au sein de la communauté.
9. « Touche des hanches » chez les H’Mông
Les H’Mông des montagnes du nord du Vietnam célèbrent le Têt avec une richesse de coutumes et une grande diversité culturelle. Pendant les premiers jours de l’année, de grandes festivités sont organisées sur des terrains spacieux, où les villageois s’adonnent à des jeux traditionnels comme le tir à la corde, la lutte avec des bâtons, la danse au son du khèn (flûte de pan) et des concours de chants en duo.
Parmi les traditions hautes en couleur du Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes, le « toucher des hanches » se distingue comme une manière singulière pour les jeunes H’Mông d’exprimer leurs sentiments amoureux. Pendant les réjouissances du Têt, jeunes hommes et jeunes femmes se rassemblent au pied des montagnes pour profiter des festivités et de l’ambiance printanière. Si un garçon éprouve de l’affection pour une fille, il lui touche doucement les hanches pour lui signifier son intérêt, un geste subtil mais significatif, considéré comme un « signal d’amour ».
Si la fille partage ses sentiments, elle accepte ce geste avec bienveillance, et le couple s’éloigne alors pour échanger et se confier en toute intimité, souvent jusqu’à l’aube. Cette coutume unique, au cœur des célébrations du Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes, illustre la simplicité et la poésie des relations amoureuses dans la culture des H’Mông, où les émotions sont exprimées avec délicatesse et authenticité.
10. « Choix du mari » dans les Hauts Plateaux du Centre
Dans les Hauts Plateaux du Centre, les ethnies comme les Chu Ru, Cil et Cơ Ho pratiquent une tradition unique appelée « Choix du mari », en contraste avec la coutume du « choix de l’épouse » observée dans les régions montagneuses du Nord. Cette pratique est au cœur des festivités du Têt.
Lorsqu’une jeune femme tombe amoureuse d’un homme, elle informe sa famille de son intention. À la nuit tombée, elle se rend chez le jeune homme, accompagnée d’une dizaine de proches et de présents adaptés aux moyens de sa famille. L’oncle maternel de la jeune femme prend la parole pour transmettre la demande d’union. Si les parents du jeune homme approuvent, celui-ci est consulté pour donner son avis.
Une fois l’accord des deux familles obtenu, la jeune femme offre au jeune homme une écharpe qu’elle a tissée elle-même, un symbole de leur engagement. La cérémonie de mariage suit immédiatement. Pendant cette cérémonie, le couple est recouvert d’une écharpe commune, symbolisant leur union. Aux premières heures du matin, entre 1 et 2 heures, le couple est conduit chez la famille de la mariée pour commencer leur vie ensemble.
Si le jeune homme refuse la proposition initiale, la jeune femme revient sept jours plus tard pour renouveler sa demande, persistant jusqu’à ce qu’il accepte. Cette tradition, empreinte de détermination et de respect des liens familiaux, illustre la richesse culturelle et les valeurs communautaires des ethnies des Hauts Plateaux du Centre.
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Les coutumes uniques du Têt des ethnies minoritaires vietnamiennes reflètent une richesse culturelle et spirituelle exceptionnelle. Chaque rituel, qu’il s’agisse d’appeler l’âme des buffles, de danser autour des flammes ou de sceller un amour par une écharpe tissée, incarne les valeurs profondes de gratitude, d’harmonie et de lien communautaire. Ces traditions, ancrées dans des siècles de patrimoine, ne sont pas seulement des célébrations festives, mais aussi des expressions vivantes de l’identité et de la diversité des peuples qui composent le Vietnam. À travers ces pratiques, ces communautés préservent leur héritage tout en offrant aux générations futures une fenêtre sur la beauté intemporelle de leurs cultures.