Le tabac a longtemps occupé une place centrale dans la vie culturelle et sociale du Vietnam. Introduit par des commerçants étrangers au XVIIe siècle, il est rapidement devenu un symbole de convivialité et de distinction, en particulier chez les hommes, alors que les femmes préféraient le chique de bétel. Au fil des siècles, le tabac s’est intégré à l’identité vietnamienne, illustrant à la fois les traditions locales et les influences extérieures, tout en jouant un rôle significatif dans l’économie nationale.
Histoire de tabac au Vietnam
Introduit au XVIIe siècle par des commerçants portugais et chinois, le tabac prend rapidement racine au Vietnam, où il est d’abord cultivé de manière artisanale. Avec la colonisation française, l’industrie du tabac se développe, l’industrialisation et les marques locales en font un produit largement consommé dans les grandes villes. Après l’indépendance, l’État nationalise le secteur et crée la Vietnam National Tobacco Corporation (Vinataba), structurant ainsi l’industrie du tabac dans le pays. Bien que sa consommation reste populaire, les préoccupations de santé publique conduisent le gouvernement à instaurer des lois anti-tabac en 2013, amorçant une nouvelle étape dans l’histoire du tabac au Vietnam.
Au Vietnam, le tabac est historiquement un plaisir masculin, tandis que les femmes préfèrent le chique de bétel. Les hommes consomment le tabac sous forme de feuilles séchées, fumées dans des pipes traditionnelles, et cette pratique est répandue à travers toutes les couches sociales, des rois et empereurs aux villageois. Fumer est ainsi devenu un acte de détente et de sociabilité, profondément ancré dans les coutumes vietnamiennes.
Art de fumer au Vietnam
Quand fumer la cigarette en Occident ne nécessite que du feu (côté Yang), fumer au Vietnam est une véritable combinaison entre l’eau et le feu, le Yin et le Yang. La pipe en bol est constituée par une boule piquée de deux trous rapprochés. On remplit le boule d’un tiers d’eau. Dans le grand trou, on fixe le fourneau prolongé par un tube qui plonge dans l’eau et on fume à l’aide d’un tuyau souple appliqué au petit trou. Le tabac mis dans le fourneau brûlé (par le feu). L’air aspiré par le tuyau entre par le fourneau et rencontre l’eau, avant de pénétrer dans le corps. Ainsi, la fumée de tabac (Yang) traverse l’élément liquide (Ying) produisant un bruit sonore avant d’arriver dans la bouche du fumeur et d’imprégner ensuite chaque cellule de son corps. Et fumer avec tous ces accessoires comme les pipes est devenu une passion. On dit des couples d’amoureux passionnés qu’ils sont “say nhu dieu do” (ivres à renverser les pipes).
Au Vietnam, fumer est un art complexe, un rituel où se mêlent harmonieusement les éléments du Yin et du Yang. Contrairement à la cigarette occidentale qui nécessite uniquement du feu, la pipe traditionnelle vietnamienne, appelée điếu bát, combine eau et feu pour une expérience sensorielle unique. Cette pipe se compose d’un bol percé de deux trous rapprochés, rempli d’un tiers d’eau. Le fourneau, où brûle le tabac, est fixé sur un trou plus large et prolongé par un tube qui plonge dans l’eau. Le fumeur aspire la fumée à travers un tuyau souple appliqué au second trou.
La fumée, chauffée par le feu (Yang) et refroidie en traversant l’eau (Yin), produit un son distinctif lorsqu’elle entre dans la bouche, un signe de l’équilibre entre les éléments. Cette interaction de l’air, de l’eau et du feu rend l’expérience de fumer immersive, imprégnant chaque cellule du fumeur. Plus qu’une simple habitude, cet art est devenu une véritable passion au Vietnam. L’expression say như điếu đổ – littéralement « ivres au point de renverser les pipes » – est même employée pour illustrer des couples d’amoureux passionnés, rappelant l’intensité et la profondeur de ce rituel.
“Nho ai nhu nho thuoc lao
He chon dieu xuong, lai dao dieu len”
(Le tabac me manque tout comme elle
J’ai pourtant enterré tout mon attirail
Mais je l’ai déterré vaille que vaille
Pour pouvoir encore fumer de plus belle”