Le thé vert dans la vie des vietnamiens
Au Vietnam, on boit du thé vert dès les premières heures de la matinée, mais aussi au travail, quand on reçoit après le repas, avant de se coucher, même parfois quand on se réveille en pleine nuit
Le thé vert est devenu si populaire que le mot che (ou tra) dans la langue vietnamienne sert maintenant à désigner des infusions de toutes sortes d’autres plantes: Chè nu voi (infusion de boutons de jambosier), chè nhân trân (infusion d’acrocéphalus), che thanh nhiet (mélange de plantes rafraîchissantes), chè gung (de gingembre) ect…
L’art du thé vert
L’art du thé vert est difficile, depuis le choix du thé lui-même, sa préparation, l’action de faire bouillir l’eau, de faire l’infusion, de la répartir dans les tasses, ce qui laisse s’échapper tout l’arôme, jusqu’à l’instant où l’on s’asseoit et savoure sa quintessence en geste mesurés, de tous ses sens et de toute son âme.
Dans de nombreuses régions de la campagne, les gens préfèrent le tra xanh (thé frais): La feuille fraîche de thé bien nettoyée est mise à infuser dans l’eau à peine frémissante. Le boisson toute verte et servie dans de grand bols de faience a un parfum très doux.
Depuis des temps reculés, les Vietnamiens savent parfumer le thé vert avec de nombreuses espèces de fleurs: Lotus, jasmin, chlorantus, chrysanthème, champaca, etc…
La fabrication du thé
Pour un vrai thé vert selon des connaisseurs, la préparation leur demande un travail très minutieux: sur l’étang aux lotus, le soir, en petite barque, on s’approche des fleurs et on introduit à l’intérieur de chacune d’elles un petit sachet de thé en papier de riz. La nuit, la fleur se renferme, emprisonnant le sachet de thé qui s’imprègne de toutes les effluves et forces vitales de la feur. Puis, le lendemain, au premières heures, le maître de maison n’a plus qu’à refaire sa tournée en petite barque pour faire sa cueillette. Pour agir sur une plus grande échelle, on cueille les anthères blanches au sommet des étamines, le gao sen(riz de lotus), qu’on mélange avec le thé. On place le tout dans une enceinte hermétique pendant un ou deux jours, jusqu’au flétrissement du riz de lotus et on parfait le séchage du thé sur un feu très doux. Un seul kilogramme de thé vert nécessite une centaine de fleurs et un travail minutieux de plusieurs jours, ce qui explique son prix et sa valeur: ce produit de luxe n’est employé qu’à de grandes occasions pour marquer l’honneur que font les maîtres du lieu à leurs hôtes.
L’eau pour la préparation du thé vert doit être une eau naturelle et pure. La meilleur est la rosée qui se dépose la nuit sur les feuilles de lotus. Mais ce n’est pas tout. Savoir la faire chauffer est tout aussi important. Pour éviter toute saveur parasite, le mieux est d’employer une bouilloire en terre cuite sur un feu de charbon de bois. Elle doit frémir à peine: le service à thé doit être propre mais la théière doit être culottée pour donner un meilleur goût. Et il faut tout d’abord réchauffer la théière à l’eau bouillante avant d’y introduire en douceur une pincée de thé, juste suffisante pour la taille de l’objet, et y verser de l’eau, toujours en deux fois: la première fois en quantité juste suffisante pour imbiber les brins de thé, et la deuxièmes fois seulement en fonction de ce qu’on veut boire.
La cérémonie du thé
Choisir le thé vert, le préparer, l’offrir sont déjà des comportements culturels qui témoignent de la délicatesse et de l’urbanité. Le boire en est un également. Tenant la tasse de thé à deux mains, doucement, l’esthète hume légèrement en absorbant de toutes petites gorgées pour ressentir toute la quintessence du breuvage. L’astrigence ressentie au bout de la langue au début de la gorgée s’adoucit vers le fond de la gorge avant d’imprégner tous les organes internes. Le Vietnamien boit du thé vert avec ses cinq sens, voire de toute son âme.
Offrir du thé ne sert pas simplement à étancher la soif, mais c’est aussi pour faire voir de manières nobles et cultivées, témoigner une amitié profonde, manifester un esprit de concorde et d’entente avec son hôte. On échange des confidences, on parle d’une affaire de famille ou on parle d’affaires, on discourt sur le monde. Tous les parfums du ciel et de la terre, des êtres et des choses se trouvent dans une tasse de thé.
Sur la majeure partie du Vietnam, la coutume du thé vert est encore bien présente. Partout, de la campagne à la ville, persistent et même prolifèrent des dizaines de milliers et des millions de quan nuoc(buvettes) le long des chemins, à la porte du village, des administrations, des écoles, des hôpitaux et des marchés…